Covered bonds et titrisations STS : comment mieux protéger les investisseurs ?
Le règlement EMIR vise à renforcer la stabilité financière en encadrant les transactions sur dérivés. A côté des obligations de reporting et de confirmation rapide des opérations, il est prévu, soit d’utiliser les services d’une chambre de compensation, soit d’échanger du collatéral pour réduire le risque de contrepartie. Cette dernière disposition s’avère particulièrement pénalisante pour la gestion du portefeuille qui garantit une émission de covered bonds, en français des obligations foncières. En effet, l’émetteur ne peut pas ajuster exactement les conditions de l’émission d’obligations foncières au rythme des paiements et remboursements des titres servant de gage aux investisseurs. Il y a donc une obligation de surdimensionnement du portefeuille d’une part et d’autre part une dérogation aux exigences d’EMIR en matière de collatéral. Il s’agit de ne pas entraver la bénéfique couverture des risques résiduels de taux ou de change par des obligations de dépôt de garantie ou d’échange quotidien de marge. Des dispositions ont été prises pour les obligations foncières et une consultation vient d’avoir lieu pour élargir cette dérogation aux titrisations STS (Simples, Transparentes et Standard).
Sur le fond, on comprend bien qu’il serait contre-productif de demander à un portefeuille qui ne dispose pas de liquidités de procéder à des échanges de marge et des dépôts de garantie pour limiter le risque de contrepartie. C’est d’ailleurs le principal argument mis en avant par les fonds de pension pour justifier leur exclusion du champ d’application d’EMIR jusqu’à présent. Cela donne une appréciation de la qualité du lobbying des banques émettrices de covered bonds et des caisses de retraite à l’échelon européen. A contrario, cela souligne la faible écoute dont bénéficient les gérants d’actifs dont le métier est d’investir les fonds de leurs clients sans conserver en permanence des liquidités surabondantes pour faire face aux appels de marge ou aux dépôts de garantie. Et pourtant l’asset management n’a pas réussi à faire valoir sa difficulté si évidente pour des OPCVM comme des fonds actions small cap ne disposant pas de titres éligibles comme collatéral et ne pouvant pas procéder à un swap de collatéral (pour obtenir des obligations d’Etat éligibles par exemple) en raison des guidelines de l’ESMA sur les ETF et d’autres points relatifs aux OPCVM.
Comment mieux protéger ceux qui investissent et non pas avantager ceux qui montent
Les gérants d’actifs sont, soit des monteurs d’organismes de titrisation, soit des investisseurs dans des opérations de titrisation. C’est comme investisseurs qu’ils peuvent s’interroger sur les projets de l’ESMA et l’EBA qui proposent de favoriser les titrisations STS en les dispensant de l’obligation de compensation centralisée et de l’obligation d’échange de marge. Il s’agit d’introduire un alignement avec les obligations foncières, qui présentent une réalité économique comparable. Mais juridiquement l’investisseur dans une titrisation ne dispose que du portefeuille refinancé pour générer les flux financiers qui doivent lui être payés alors que l’acheteur de covered bonds a un double recours contre l’émetteur et directement sur le portefeuille sous-jacent. Aussi nous semble-t-il nécessaire, avant d’aligner les exigences qui justifient la dérogation, d’analyser les conséquences non seulement pour les contreparties dépourvues de collatéral (qui souhaitent être au moins au même niveau de priorité en cas de défaut que les investisseurs dans la tranche de titrisation la plus senior), mais aussi pour les investisseurs.
De ce point de vue, il serait raisonnable, sans remettre en cause le principe de la dérogation, de demander que les investisseurs bénéficient d’une information transparente et permanente sur la politique de couverture suivie et les contraintes de sa mise en application, ainsi que sur les positions ouvertes. Par ailleurs, le coefficient de renforcement de crédit prévu à 2% en référence au 102% de collatéral demandé dans les covered bonds, mérite d’être mieux analysé. A première vue, il apparaît comme très faible et de nature à faire douter de la qualité du label STS qui se veut de qualité pour les titrisations. Ce qui n’est pas l’objectif initial.
(Mis en ligne le 15 Juin 2018)



















































