Industrie russe : les miettes de la puissance
Le conflit syrien a remis la Russie sur le devant de la scène internationale. Vingt ans après la chute de l’empire soviétique, la diplomatie apparait comme l’un des derniers avatars de la puissance russe. Son prestigieux héritage industriel, lui, a été pratiquement liquidé mais continue de conditionner la géopolitique du pays.
Les données du commerce extérieur ne disent pas autre chose : la Russie est exportatrice nette de matières premières comme le pétrole, le gaz, le minerai et les céréales… mais importe pratiquement tout le reste. De l’automobile à la pharmacie en passant par l’électronique, la construction navale ou le matériel électrique, la Russie est dépendante de l’extérieur.
Le pays n’est pourtant membre de l’OMC que depuis 2012, et a appliqué des tarifs douaniers prohibitifs ce qui a forcé, jusqu’ici, nombre d’entreprises étrangères à produire localement. Pour prendre un exemple connu, citons Renault et sa filiale russe Avtovaz.
Ceci a largement permis, on le voit sur ce graphique, à la production industrielle de rebondir au cours de la dernière décennie. Il ne faut toutefois pas s’y tromper : ce n’est qu’en 2005 que la Russie a retrouvé son niveau du début des années 90, et les données disponibles incluent le biais du boom des activités minières et pétrolières. Un rapide comparatif avec la Pologne ou la Slovaquie, qui ont-elles su s’insérer dans la chaine de valeur internationale notamment grâce à l’Allemagne, confirme la décrépitude de l’industrie russe.
Ponctuellement pourtant, l’espoir renait.
En 2012, la production d’acier a pour la première fois retrouvé son niveau de 1992. Des chiffres à relativiser, quand on sait qu’elle a plus que doublé dans le monde sur la même période. Dans le nucléaire, le groupe d’état Rosatom a entamé des travaux d’approche pour construire une centrale au Royaume-Uni. Même si la technologie actuelle est différente, pas sûr toutefois que la Russie parvienne à effacer le spectre de Tchernobyl des mémoires. Dans l’aéronautique, un énième plan de soutien à été annoncé, mais ne suffira probablement pas à convaincre les compagnies aériennes de préférer Sukhoi à Boeing ou Airbus.
Désormais puissance industrielle de troisième rang, la Russie conserve malgré tout deux secteurs industriels particulièrement utiles sur la scène internationale.
Son premier atout, bien connu, est son industrie pétrolière.
Le secteur de l’énergie représente seul pas loin de 60% de la capitalisation de la place de Moscou. A la fois talon d’Achille et manne indispensable à sa survie, ce secteur conditionne à lui seul l’essentiel de la géopolitique du pays. Froisser la Russie, c’est risquer de voir ses approvisionnements se tarir, ou sa facture s’alourdir. Ceci explique les excellentes relations entretenues par l’Allemagne et l’Italie avec la Russie.
Sa deuxième arme, certes émoussée mais pourtant toujours redoutable, c’est son industrie de défense.
L’industrie russe n’atteint pas le niveau technologique des productions américaines ou européennes, mais le pays consacre toujours plus de 4% de son PIB à la défense, ce qui lui permet d’intervenir rapidement près de sa sphère d’influence. Mais surtout, la Russie est le 2e exportateur mondial d’armement, avec de fortes positions dans l’aviation et les missiles notamment. Elle a pour principaux clients tous les pays avec lesquels l’Occident refuse en général de faire affaire, du moins publiquement : c’est le cas notamment de la Chine et de l’Inde, mais surtout du Venezuela et naturellement de la Syrie et d’autres régimes du Golfe. De quoi agacer, pour le moins, les puissances occidentales.
Déclassée, l’industrie russe occupe ainsi une position marginale dans l’économie mondiale. Disons-le, il ne reste que des miettes de la puissance de l’ère soviétique. Les secteurs pétroliers et de défense, toutefois, apportent au pays un pouvoir de nuisance tout à fait considérable eu égard à la situation somme toute modeste du pays dans l’économie internationale. On comprend ainsi mieux la position actuelle de la Russie sur le dossier syrien : c’est celle qui permet de maintenir un cours du baril élevé, tout en défendant les intérêts de l’un de ses derniers bastions industriels.
(Mis en ligne le 29 Novembre 2013)




































