Procès et sanctions : la composition administrative à l’AMF
Le 9ème colloque de la commission des sanctions (CS) de l’AMF s’est tenu le 6 Octobre dernier. La première table rondeétait consacrée à la composition administrative, un sujet sur lequel les projecteurs sont rarement tournés. D’où son intérêt.
La composition administrative a été resituée dans le panorama général des divers types de pratique différente de la justice en France. On distingue donc :
- la composition pénale créée par les parquets dans les années 70 pour enrichir les possibilités de choix entre classement sans suite et renvoi ; elle fait l’objet d’une validation et intervient avant le lancement de l’action publique. Il y a une reconnaissance de culpabilité par le mis en cause.
- la Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC ou « plaider coupable ») intervient alors que l’action publique a été lancée et le résultat fait l’objet d’une homologation. Il y a une reconnaissance de culpabilité par le mis en cause.
- la composition administrative telle qu’elle est pratiquée par l’AMF dont le secrétaire général conduit les opérations. Celui-ci a rappelé que la procédure n’était utilisée à l’initiative de l’AMF que sur des cas juridiquement simples à jurisprudence établie et qu’elle était acceptée quasi systématiquement par les mis en cause en raison principalement de sa rapidité et de l’absence de reconnaissance de culpabilité (ce qui évite de devoir l’indiquer dans la réponse à des appels d’offres). Il s’est félicité de l’extension de son champ d’application à l’ensemble des abus de marché prévu dans la loi Sapin 2.
- la nouvelle CJIP (Convention Judiciaire d’intérêt public) introduite par la loi Sapin 2 en matière de lutte contre la corruption et le blanchiment.
Par ailleurs, la composition administrative de l’AMF a été comparée à la pratique américaine pour mieux souligner la différence d’approche. Aux Etats Unis, le régulateur n’hésite pas à utiliser le chantage à l’agrément d’exploitation vis-à-vis des établissements financiers pour leur faire choisir la voie transactionnelle. Celle-ci oblige celui qui accepte de coopérer à fournir lui-même les preuves de ses turpitudes et répondre à toutes les demandes des autorités (le coût et la rapidité de l’instruction pour le ministère public en sont bien réduits). Il y a une interrogation sur la disparition de droits fondamentaux dans cette procédure américaine ; par exemple, il y a renonciation à tout prescription ou levée de toute confidentialité dans la relation client /avocat. En France, les libertés fondamentales sont heureusement mieux préservées. Mais dans les deux cas, la transaction ou la composition s’accompagnent d’engagements à prendre des mesures d’amélioration des procédures et de l’organisation afin d’éviter la reproduction des mêmes erreurs.
Enfin B.de Juvigny, Secrétaire général de L’AMF, a apporté un éclairage concret après 5 années d’application de la procédure par l’AMF. Typiquement, la filière « Contrôles de l’AMF » identifie des griefs à reprocher un acteur. Les contrôles donnent lieu à notification de griefs dans 40% des cas. En même temps que la notification de griefs, l’AMF propose l’entrée en composition administrative dans la moitié des cas. Les mis en cause acceptent dans le mois qui leur est imparti le recours à cette procédure (un seul refus enregistré, conduisant à une transmission à la CS). Dans les 4 mois qui suivent, un accord entre les parties est généralement trouvé (dans 4 cas, soit 10%, la procédure n’a pas abouti). En cas d’accord, le secrétaire général de l’AMF en rédige les termes (griefs, montant financier à payer au Trésor public, engagements d’amélioration pris). Il soumet cet accord à la validation du Collège et ensuite à l’homologation de la CS (qui a rejeté le projet une seule fois). Ensuite, l’accord résultant de la composition administrative est systématiquement publié de façon nominative. C’est une volonté claire d’éviter le reproche d’une justice de l’ombre pour les financiers.
De même, l’AMF souhaite éviter que la composition administrative soit considérée comme une justice à peines allégées et négociées. B.de Juvigny a insisté sur le fait que l’AMF essaie d’apprécier quel serait le montant qu’infligerait la CS si elle délibérait du cas soumis.
Il a même indiqué que, devant le refus d’indemnisation de clients (que le mis en cause jugeait comme une reconnaissance implicite de culpabilité), l’AMF a accepté la composition en augmentant le montant de l’amende. Une logique contestable que certains ont interprété comme un aveu de faiblesse de l’argumentation de l’AMF sur la réalité du préjudice.



















































